Le Taoïsme

Note préliminaire

Il existe plusieurs systèmes de traduction en caractères latins des sons exprimés par les caractères chinois. Le plus répandu en France est celui de l'école française d'extrême orient (EFEO). Dans les pays anglo-saxons, le système de transcription Wade-Giles est le plus usité. La transcription adoptée officiellement par la république de Chine s'appelle le pinyin. Ceci explique pourquoi presque tous les mots chinois ont différentes orthographes possibles suivant le mode de transcription.

La grande muraille La grande muraille de Chine.

Les origines

Selon la tradition le Taoïsme a été fondé au VIème ou au Vème siècle avant J.C. par Lao-Tseu qui est peut être un personnage légendaire. Les mémoires historiques de Szu-ma Ts'ien rédigées au début du IIème siècle avant J.C. contiennent une biographie de Lao-Tseu où il est mentionné qu'il s'appelait Li Tan, qu'il vivait dans l'état de Chou, en Chine, où il cultivait la voie et la vertu et enseignait l'humilité. Nombreuses sont les légendes qui entourent son personnage et sa vie. La plus connue raconte qu'à la fin de sa vie, chevauchant un buffle noir vers l'ouest, bien décidé à quitter la Chine, il fut arrêté par un certain Yin-Hi gardien de la frontière qui le pria de ne pas partir sans laisser au moins ses pensées à la Chine. C'est ainsi que Lao-Tseu aurait dicté les 5000 caractères du Daode-jing ou Tao-te-king.

Lao-tseu sur son buffle Lao-Tseu sur son buffle.

Le principe de base du Taoïsme, le Tao est un concept métaphysique d'une grande profondeur, qui stimule et guide l'univers tout entier. Lao Tseu aurait écrit le Daode jing (livre du Tao) qui enseigne que l'individu peut atteindre le bonheur et le contentement en recherchant l'unité avec le Tao, en suivant l'exemple de la nature.
Contrairement au Confucianisme, les taoïstes pensaient que l'état devait intervenir le moins possible dans la vie du peuple. La chute de la dynastie Han en 220 marqua le début d'une période de troubles politiques et économiques qui durèrent 400 ans. Le Confucianisme qui avait entretenu des liens étroits avec l'état tomba en discrédit tandis que le Taoïsme se développait et faisait un grand nombre d'adeptes parmi les gens du peuple. La quête de l'immortalité devint une des préoccupations majeures de cette religion.

Idéogramme chinois du Tao L'idéogramme chinois du Tao.

La religion taoïste atteignit son apogée sous les dynasties de T'ang, des Sing et des Yüan (618-1368). Au cours des siècles récents le Taoïsme est tombé en déclin surtout avec les mouvements antireligieux, le plus radical étant le communisme, celui-ci considérant les religions comme un obstacle au progrès social et particulièrement le Taoïsme comme un ensemble de superstitions dangereuses.
Depuis le début des années 80, le gouvernement a fini par reconnaître que la religion pouvait répondre aux besoins réels d'un grand nombre de chinois et a rétabli une certaine tolérance d'où une résurgence de l'activité religieuse dans les campagnes et la réouverture des temples les plus importants dans les villes.

Les textes

Le Daode-jing, livre de la voie et de la vertu est le plus connu et le plus vénéré des classiques Taoïstes. Il consiste principalement en aphorismes qui lui confèrent un ton empreint de sincérité et de mystère. Plus de la moitié du livre est écrite en vers. Bien qu'attribué à Lao-Tseu, il est vraisemblable qu'il soit passé entre les mains de plusieurs rédacteurs pour atteindre sa forme définitive vers le troisième siècle avant J.C. Cette œuvre comprend 81 courts versets ou chapitres qui véhiculent les pensées sans enchaînement rigoureux, sous forme d'aphorismes, d'images poétiques et dans une langue imagée.

Lao-Tseu Lao-Tseu. Cette sculpture se trouve sur le site d'un temple taoïste détruit près de Quanzhou.

Les chapitres 1 à 37 donnent des définitions du Dao.
Les chapitres 38 à 81 celle du De "l'effet du Dao" traduit par "la vertu du Dao" et du rapport entre Dao et De.
En plus de sa forme parcellaire et énigmatique, le sujet dont il traite ne peut pas se traduire en mots. Le Dao est ineffable et innommable, c'est le principe suprême, inaccessible aux sens, non susceptible de changements. Pourtant le Dao est une matrice d'où est issu le monde visible. Aussi est il Wu, c'est à dire vide, mais il a un mode d'être visible, il est You. Cette opposition entre Wu et You est fondamentale. Le Wu n'est pas le néant, l' absence d'être, c'est un mode supérieur de l'être, car il possède en lui toutes les virtualités. Le You est la réalité sensible. Il est sûr qu'en passant du Wu au You on s'éloigne du Dao permanent, réalité transcendante antérieure à l'univers.
Source de vie, le Dao possède un aspect dynamique: "Dao donna naissance à Un. Un donna naissance à Deux. Deux donna naissance à Trois. Trois donna naissance aux 10 000 êtres." Les Deux issus de l'Un sont le Yin et Yang. Les deux composants de tout ce qui existe, composants opposés, inséparables et complémentaires comme la lumière et les ténèbres, le bien et le mal, le jour et la nuit, la vie et la mort… Le Trois est leur union harmonieuse qui sous-tend tout l'univers.

Yin yang Le Yin et le Yang.

Le Zhuangzi (Tchouang-tseu) ou "le canon sacré de Nan Houa". Il aurait été écrit par un sage nommé Zhuangzi originaire de la ville de Mong dans l'actuelle région du Honan en Chine et aurait vécu au temps du roi Liang (dates de règne: 370-318). L'ouvrage a t'il été écrit par ce sage? Nul ne le sait. Le style porte la marque d'un écrivain de génie mais le livre est sans doute la production d'une école, compilé par des disciples, remodelé et complété par des successeurs. Le livre comporte 33 chapitres composés d'un grand nombre d'anecdotes et de paraboles destinées à illustrer la pensée Taoïste en la comparant ou en l'opposant aux enseignements des autres écoles. Le livre procède par touches successives, dévoilant dans chaque paragraphe une part de sa vérité, suggérant point par point la silhouette psychologique et morale du taoïste et proposant un complexe voyage métaphysique. Un seul point constitue la base de tout le discours, il en est la clé, l'ossature essentielle: c'est le Dao. "Le Dao est si grand qu'il ne comporte pas de fin et si petit que rien ne lui échappe. C'est pourquoi il est omniprésent dans tous les êtres. Il est si vaste qu'il n'est rien qu'il ne contienne; il est si profond que personne ne peut le sonder." Mais le Zhuangzi ne donne aucune explication, il ne peut le faire car le Dao explicite n'est plus le Dao, le Dao est indicible. On ne peut qu'évoquer l'attitude du taoïste: ne pas sentir, ne pas s'émouvoir, ne pas agir et laisser faire, tel est l'attitude du sage. La sage est neutre, il est vide, il ne fait pas de distinction entre le vrai et le faux, entre le oui et le non, entre la vie et la mort. Il s'identifie à l'axe du Dao.

Des prêtres Des prêtres taoïstes rassemblés devant un grand temple.

Le Liezi (Lie-Tseu) ou "le vrai classique du vide parfait". Nous savons peu de chose sur Liezi ou Lie Yukou auteur du Liezi. Il naquit vers 450 avant J.C. et aurait vécu dans le renoncement mais nous ignorons s'il a ou non existé.

Liezi Liezi selon la légende atteignit la perfection et pouvait chevaucher le vent.

La compilation des récits qui forment l'ouvrage a été réalisée aux environs de 300 après J.C. c'est un recueil de morceaux choisis: paraboles, contes et légendes. Ces histoires sont populaires chez les chinois et elles illustrent les idées taoïstes telles que le non-agir, la relativité des valeurs, l'insignifiance du genre humain par rapport au vaste univers et la nécessité de suivre les lois naturelles plutôt que de chercher à en triompher. On y rencontre de grands personnages: empereurs, ministres ou sages tels que Confucius.
Le texte est clair, il expose plus une pratique qu'un enseignement théorique. Il est fait d'exemples d'attitudes, tout en restant dans la mouvance traditionnelle des maîtres Taoïstes.

La voie

Au centre de la pensée de Lao-Tseu est le concept du Dao. Il s'agit du principe premier, duquel tout est sortie et auquel tout va, du réel authentique. C'est aussi la loi universelle et la voie étique qui guide les bonnes actions. Il est le tout et l'unique et le principe le plus élevé du monde naturel et moral. On peut le traduire par Voie, Vie, Dieu, Loi, Ordre naturel, L'innommable, L'indéfinissable. Le Dao est donc une force, une énergie, une puissance. Le De dans Daode-jing se traduit par "pouvoir" ou "vertu". C'est une qualité qui émane du Dao et se manifeste dans la nature et dans tous les êtres. Le De s'exprime pour les individus par quelques mots clés: non-désir, non-passion, non-attachement, autonomie, égalité, absence de jugement de valeur qui étendent la liberté.

Temple Entrée d'un temple taoïste.

Il faut pratiquer le Wou-wei. C'est à dire le non-agir ce qui ne signifie pas ne rien faire, mais plutôt ne fournir aucun effort inutile et ne rien faire qui soit en contradiction avec la nature. Le De consiste à refuser l'usage des sens et de la raison et à rechercher dans les profondeurs de son être, à faire l'expérience du vide et de l'absence, et à se concentrer sur le Dao qui peut aller jusqu'à l'extase mystique comme le montre ce passage du Zhuangzi: "Je délaissai le monde extérieur, puis les choses extérieures, puis ma propre existence. Un beau matin j'eus la vision de l'unique. Cette vision me permit de transcender la passé et le présent. Je pus alors entrer dans le domaine où la vie et la mort n'existent plus." Le taoïste atteint la contemplation par ses propres forces et il aspire au vide et à l'anéantissement de son être personnel.

S'asseoir et oublier S'asseoir et oublier.

Pour y parvenir, on utilise la méditation taoïste dont le but est de vider l'esprit des pensées qui sont déformées par la conscience individuelle. Cela s'appelle "s'asseoir et oublier". Les taoïstes croient que l'être humain est une simple manifestation externe de l'univers et que les êtres humains et l'univers se partagent trois forces:
- L'esprit (Shen)
- Le souffle (Ch'i)
- Le principe vital (Ching).
Par des exercices spécifiques qui agissent sur ces trois forces, il est possible de s'identifier avec l'origine unitaire de tout phénomène, le Dao qui peut finir par révéler le secret de l'immortalité à celui qui pratique.
- La méditation est centrée sur l'esprit.
- Le contrôle de la circulation du souffle tend à extraire le Dao de l'atmosphère.
- Le yoga sexuel tend à stimuler et à préserver le principe vital.
Il est possible d'associer les trois techniques, toutefois de nombreux taoïstes pensent que l'on peut obtenir le résultat souhaité uniquement par la méditation. Ces exercices faisaient partie de ce que l'on appelle "l'alchimie interne" et leur but visait l'immortalité.

La grue La grue est le symbole populaire de la quête d'immortalité taoïste.

Au cours des siècles les auteurs taoïstes ont créé une nouvelle mythologie à partir d'histoires de personnages réels ou imaginaires qui avait atteint le statut d'immortel (hsien) ce qui a donné naissance à la légende des huit immortels dont on associa les noms pour le première fois au XVème siècle. Les 8 immortels sont souvent représentés ensemble non pas voyageant sur les nuages ce qui était leur mode de transport habituel, mais naviguant à travers la mer de Chine orientale vers les îles magiques.

Ma gu L'immortelle Ma Gu créant un verger sur la mer. Selon la légende, elle vivait au IIème siècle de notre ère. D'une beauté saisissante, elle parvint à l'immortalité à l'âge de 18 ans et cultiva le don de rendre la mer peu profonde.

Les écoles

Au début de son existence, le Taoïsme se développa dans trois régions distinctes et à trois époques légèrement différentes, ce qui aboutit à trois traditions:
1) La tradition du Maître céleste dans l'ouest et le nord-ouest de la Chine. Elle tire son origine de la société des 5 boisseaux de riz, qui tire son nom de la contribution que chacun de ses membres devait faire au trésor commun. Cette société était dirigée par Chang Ling, un magicien né en 34 qui aurait vécu jusqu'à 123 ans. Connu par la suite sous le nom de Chang Tao-Ling, on disait que Lao-Tseu lui aurait rendu visite dans une grotte de la montagne et qu'il avait fait de Tao-Ling un "Maître céleste" le chargeant de rétablir la voie véritable. Chang Tao-Ling affirmait détenir des méthodes magiques capables de guérir les malades et il encourageait ses patients à confesser leurs péchés et à prier les 3 divinités: Le ciel, la terre et le Tao.

Rizière Dans le Yunan, les fermiers ont toujours continué de payer impôts et loyer en nature.

2) La tradition Ling-Pao prit naissance dans le sud est de la Chine et était issue de la révolte des turbans jaunes à cause de la couleur des coiffures de ses participants. Vers la fin de la dynastie Han, une importante rébellion taoïste éclata nommée T'ai-p'ing-tao (le Tao de la grande égalité menée par Chang Chüeh dans la province actuelle de Ho-pei. Cette tradition est surtout orientée vers le rituel.

3) La tradition Shang Qing se développa un peu plus tard sur le mont Mao (Mao Shan) près de Nankin. On raconte que cette école tire son inspiration d'une femme Wai Huacun qui fuyait les invasions barbares du Nord vers l'an 300. Cette école est centrée sur la méditation. Ces trois traditions possèdent des caractéristiques communes et ne peuvent pas réellement être considérées comme des écoles séparées.

Encens Pour les taoïstes, la fumée dégagée en faisant brûler de l'encens fait monter les prières jusqu'aux Dieux.

Mais le Taoïsme religieux fut profondément influencé par l'arrivée du Bouddhisme en Chine au IIème siècle. Le message bouddhique de salut pour l'humanité entière eut une importance décisive pour le peuple chinois hanté par la famine, les épidémies et la guerre civile.
L'atmosphère paisible et solennelle des temples bouddhistes, l'encens, les chants des moines produisirent une forte impression sur les fidèles. Aussi les taoïstes réagirent au défi que leur lançait les bouddhistes en créant un clergé, des monastères, des temples, un panthéon et un recueil de textes sacrés appelé le canon taoïste modelé sur le Tripitaka bouddhiste.

Service religieux Service religieux au temple Cao Dai. Les offices de ce temple sont une synthèse du Taoïsme, du Confucianisme et du Bouddhisme.

Les paroles

Paroles du Daode-jing

" Prendre conscience, c'est transformer le voile qui recouvre la lumière en miroir."

"Le ciel dure, la terre persiste.
Qu'est ce donc qui les fait persister et durer ?
Ils ne vivent point pour eux mêmes. Voilà ce qui les fait durer et persister."

"Un grand vent ne va pas plus loin que le matin.
Une averse on en voit la fin avec le jour."

"Le sage équarrit sans blesser
incline sans porter atteinte
rectifie sans faire violence
et resplendit sans aveugler."

Preche Prêche d'un maître du Taoïsme au Vietnam.

Paroles de Tchouang-tseu

"Impassible face à toute perte et face à tout changement, on entre dans l'initial ciel pur."

"Jadis, une nuit, je fus un papillon voltigeant content de son sort. Puis je m'éveillai étant Tchouang-tseu. Qui suis je en réalité ? Un papillon qui rêve qu'il est Tchouang-tseu ou Tchouang-tseu qui rêve qu'il fut papillon ?"

"Qui parle d'ordre sans voir son corollaire, le désordre, ne comprend rien aux grands principes de l'univers ni aux réalités qui mènent les êtres vivants."

Paroles de Lie-tseu (Liezi)

"Il existe hors de la vie ce par quoi la vie devient vie; hors de la forme, ce par quoi la forme devient forme."

Glossaire

Ch'i: Vapeur, souffle, l'une des 3 forces vitales partagées par les êtres humains et le cosmos, matière dont sont faite toutes choses.
Ching: Principe vital, l'une des 3 forces vitales partagées par les êtres humains et le cosmos.
Daode-jing: Livre du Tao, le plus connu et le plus vénéré des classiques taoïstes, qui aurait été écrit par Lao-tseu.
De: De Daode, vertu, pouvoir, qualité qui émane du Tao et setrouve au cœur de tout être.
Hsien: immortel.

Lao-Tseu sur son buffle Lao-Tseu sur son buffle.

Lao-tseu: "Vieux maître". Considéré comme le fondateur de taoïsme au VIème ou Vème siècle avant J.C.
Liezi (Lie-tseu): Sage taoïste né vers 450 avant J.C. auteur du Liezi "le vrai classique du vide parfait".
Shen: Esprit, l'une des 3 forces vitales partagées par les êtres humains et le cosmos.
Szu-ma-ts'ien: Historien auteur des "mémoires historiques" au IIème siècle avant J.C. sous la dynastie des Han.
Tao (Dao): Voie,chemin, la voie, principe universel responsable de la création de toutes choses "non-être" iou (wou) qui se trouve à la base de tout être.
Wu: Rien, non-être qui est à la base de l'être vide.

Pagodes Pagodes du tigre et du dragon à Kachsuing, Taiwan.

Wou-wai: Principe taoïste du non-agir, ne fournir aucun effort inutile, ne rien faire qui soit en contradiction avec la nature.
Yang: Principe (ch'i) de la lumière, de masculinité et de mouvement, contraire du yin.
Yin: Principe (ch'i) d'obscurité, de féminité.
You: Réalité sensible du wu, son mode d'être visible.
Zhuangzi (Tchouang-tseu): Philosophe taoïste du IIIème siècle avant J.C. auteur d'un des classiques du Taoïsme.

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