Le Shintoïsme
Les origines
Le Shintô ou Kami-no-Michi en pur japonais, ce qui signifie la même chose ou encore voie des Kami (dieux), est la religion indigène du Japon. Ses racines semblent remonter à la nuit des temps. Vers 9000 à 300 avant J.C., nous trouvons la culture Jomon qui est la plus ancienne du Japon. Elle vénérait des figurines femelles mais on ignore si le Shintô en est directement issu. Puis de 300 avant J.C. à 300 la culture Yayoi possède des caractéristiques qui rappellent certains aspects fondamentaux de la foi Kami.
Pélerinage à Isé, haut lieu du Shintoïsme depuis deux millénaires. |
Plus tard au cours de l'époque Kofun un peuple nomade d'Asie centrale introduisit les symboles majeurs du Shintoïsme à savoir les trois trésors sacrés: le sabre, le miroir du soleil et les joyaux d'Amaterasu. C'est au cours de cette période que la dynastie impériale s'affirma au sein d'une population qui était organisée en clans et c'est à la même époque que furent construits les sanctuaires d'Izumo et d'Isé. Cela aboutit à la création du culte de l'empereur, qui fut relégué à un rôle symbolique sous le long règne des Shôgun (XIIème- XIXème siècles). En 1868 après plus de 250 ans de Shôgunat Tokugawa, la restauration Meiji replaça l'empereur sur le trône et en 1871, le Shintô devint religion d'état.
Pendant cette période, tous les prêtres Shintô devinrent des employés du gouvernement et les croyances et pratiques furent contrôlées par le bureau des temples de Tokyo. Le terme Shintô date de cette période. Le Shintô d'état prit fin en 1945 et l'empereur renonça à toute prétention à la divinité. La constitution japonaise de 1947 interdit explicitement à l'état toute participation aux affaires religieuses. Le Shintô redevint alors ce qu'il avait été, un ensemble peu structuré de temples dédiés à un nombre infini de Kami. Bien qu'il existe un panthéon de dieux et de déesses comme Amaterasu qui sont vénérés dans tout le Japon, les Kami appartiennent presque toujours en propre à leurs communautés respectives.
Ce qui caractérise le Shintô est son caractère local. Chaque temple est autonome et possède au moins un ou deux rituels spécifiques.
Prêtres pendant une cérémonie shintoïste au sanctuaire d'Isé. |
Le Shintô est également remarquable par le fait qu'il
s'agit d'une religion n'existant qu'au Japon. Il n'y a jamais eu d'effort de
prosélytisme. Du fait qu'il rassemble un ensemble assez
hétéroclite de cultes, il est quasi impossible de bien le
définir.
Comme le montre la chronologie de l'histoire japonaise dans
le tableau ci-dessous, les influences sur le Shintô ont été
fréquentes au cours des siècles.
Période protohistorique | ||
Ere Jomon | -9000 à -300 | Cultes de la fertilité |
Ere Yayoi | -300 à 300 | Débuts du Shintô |
Ere Kofun | 300 à 552 | Introduction des symboles majeurs |
Période historique | ||
Ere Asuka | 552-646 | Introduction du Bouddhisme |
Ere Hakuko | 646-710 | Fondation des quatre écoles de Nara |
Ere de Nara | 710-794 | Compilation du Kojiki et du Nihonshoki |
Ere Heian | 794-1185 | Fondation et expansion du tendai et du shingon |
Ere Kamakura | 1185-1333 | Fondation des écoles bouddhiste Terre Pure, Zen et Nichiren |
Ere Ashikaga | 1333-1568 | Début du Christianisme au Japon |
Ere Momoyama | 1568-1603 | Rapprochement puis prescription du Christianisme |
Ere Tokugawa | 1603-1868 | Renaissance du Shintô |
Ere Meiji | 1868-1912 | Début du Shintô d'état |
Ere Taisho | 1912-1926 | Renaissance du Bouddhisme |
Ere de Showa | 1926-1989 | Interdiction du Shintô d'état après la seconde guerre mondiale |
Ere Heisei | 1989- |
Les textes
Indépendamment de son polythéisme et de son animisme, le Shintoïsme ne possède pas les caractéristiques des grands monothéismes tel qu'un créateur unique, un fondateur historique, une sainte écriture révélée, une dogmatique, un système éthique codifié. Mais les mythes d'origine du Japon ont été compilé en 712 dans un ouvrage appelé le Kojiki (livre des choses anciennes) considéré comme la "bible" du Shintô. Il semble vraisemblable qu'il ait été écrit par de fervents bouddhistes imprégnés de culture chinoise et que son objectif ait été plus d'ordre politique que religieux, à savoir donner une légitimité à la dynastie régnante.
Le Mont Fuji, montagne sacrée dans la religion Shintô. |
Le Kojiki est le premier texte écrit en japonais, bien qu'utilisant encore la graphie chinoise. Il contient les traditions et les mythes les plus anciens de l'archipel nippon mais triés, réformés, corrigés, pour atteindre le but que l'empereur lui avait assigné. Le Kojiki est composé de trois livres:
- Le premier livre rapporte de nombreux épisodes des
différentes générations de dieux qui peu à peu
prennent possession du "pays des 8 grandes îles" qui est alors le pays
des dieux.
Aux origines, il existait trois divinités au ciel Ama
no minaka nushi, Takami-musuhi et Kami-musuhi qui ont eu
beaucoup d'enfants dont le couple Izanaki et Izanami, le
frère et la sur qui ont créé les fleuves, les
montagnes, les îles et les Kami. En donnant naissance au dieu du feu,
Izanami se brûle, est tuée par cet enfant naissant et doit partir
pour les enfers. Pour se purifier des traitements subits aux enfers, elle fait
ses ablutions dans une rivière. C'est alors que naît de son
il gauche Amaterasu, la déesse du soleil, de son il
droit Tsuki-yomi, le dieu de la lune et de son nez Susanoo le
dieu de la mer. Izanami partage le monde entre ses trois enfants: La plaine
céleste à Amaterasu, le royaume de la nuit à Tsuki-yomi et
la plaine marine à Susanoo. Nigini, le petit fils d'Amaterasu
descend sur terre pour régner et rencontre la fille du dieu de la
montagne "belle comme les arbres en fleurs". Il la demande en mariage et le
dieu de la montagne accepte. Mais ce dernier envoie en même temps sa
fille aînée comparable au rocher éternel et fort laide.
Nigini ne supportant pas sa laideur la renvoie à son père et
c'est pour cela qu'ayant refusé ce symbole de l'éternité,
les empereurs ont une vie brève semblable à celle des fleurs.
Les différents épisodes se succèdent jusqu'à
l'avènement du premier empereur humain semi légendaire,
Jimmu-tenno qui aurait vécu selon la tradition au
IVème siècle avant J.C.
Le Kojiki a été réalisé sous l'impulsion de l'impératrice Gemmyo qui chargea le lettré O no Yasumaro de la rédaction. |
- Les deuxième et troisième livres sont composés de généalogies des empereurs. C'est le temps de l'histoire qui par la continuité illimitée de la lignée dynastique, assure une sorte d'éternité. On y trouve des anecdotes vivantes et d'un style enjoué et raconte quelques épisodes moraux de la vie des empereurs. Parfois elles sont accompagnées de ballades populaires prises dans le folklore traditionnel. Elles donnent à l'ensemble un accent d'authenticité et favorisent son ancrage dans la communauté.
Un autre ouvrage, le Nihongi ou Nihon Shoki (chronique du
Japon) fut écrit en 720, il rapporte les mêmes mythes que le
Kojiki mais il apporte une place plus importante aux relations avec le
continent et parle de la Corée et de la Chine. Il donne souvent
plusieurs versions de la même légende peut être pour exposer
les différentes versions que détenaient chacun des clans
composant le pays de Yamato ou par souci d'objectivité. Il comprend
aussi des légendes venues d'autres provinces, tirées de
chroniques régionales, les Fudoki.
Outre ces deux ouvrages que
l'on peut qualifier d'officiel, on dispose pour nous faire une idée du
Shintô, d'un très volumineux recueil de poèmes, le
Man'Yôshû. L'empereur Junnin ordonna en 760 la
réalisation de cet ouvrage regroupant toutes les poésies connues.
Ces poésies datant du VIème, VIIème
et VIIIème siècles ont des auteurs très divers
allant de la cour impériale aux simples paysans. Elles sont toutes
empreintes de sentiments très forts envers la nature et évoquent
parfois les coutumes du pays, ou invoquent les Kami.
L'esprit
Trois grandes valeurs priment:
- Le culte de la nature.
- La
pureté rituelle.
- la communion de l'homme avec les Kamis.
Des fidèles transportent une châsse portable (Mikoshi) devant les chutes pour jouir de la faveur du Kami local. |
Le culte de la nature: Le Shintoïsme ne connaît pas
l'au-delà qui serait un monde de récompense ou de punitions. Il
se pratique selon un rituel dont la nature représente la notion
principale. Il s'agit de réaliser l'harmonie grâce à un
profond attachement intérieur pour la nature, une grande
sensibilité notamment envers sa beauté esthétique.
L'objectif est de ne jamais lui nuire quelles que soient les circonstances. "Le
caractère sacré de la nature et de la vie constitue de fondement
du Shintoïsme": Thomas Immoos.
Le Shintoïsme considère que
l'univers est formé par le jeu d'énergies indestructibles
apparaissant en un changement constant dans les phénomènes
naturels et que ceux ci sont des divinités qu'il convient de
vénérer pour obtenir leurs faveurs. L'empereur auquel
était attribué les fonctions de grand prêtre était
capable de maîtriser ces énergies de la nature. Aujourd'hui
encore, l'empereur du Japon récite des prières tourné en
direction des quatre points cardinaux durant une cérémonie qui a
lieu la nuit du nouvel an, afin de rétablir l'ordre de l'univers et
d'assurer la prospérité de l'année qui commence.
Les cascades sont un des phénomènes naturels sacrés dans le Shintoïsme, l'eau purifie l'ascète et le régénère. |
La pureté rituelle et son reflet dans l'âme humaine
grâce à la valeur capitale qu'est le Makoto, la
sincérité intérieure, est un élément
essentiel du Shintoïsme qui en devient une "religion de la purification".
Au travers de la pureté intérieure, le Shintoïsme recherche
la simplicité dans la vie et l'harmonie avec la nature. A l'origine il
semble que les japonais pensaient que les Kamis s'offensaient de la souillure
que représentaient la mort, les blessures, la menstruation et
l'enfantement. Il s'ensuivit l'apparition de nombreux rites de purification
destinés à apaiser les Kamis et à gagner leur protection
contre la sécheresse, les inondations et autres catastrophes
naturelles.
Les fidèles shintoïstes se purifient toujours avant
de pénétrer dans l'enceinte d'un temple. Celle ci contient un
abreuvoir de pierre plein d'eau pure et une louche de bambou avec laquelle les
fidèles se lavent les mains et se rincent la bouche purifiant ainsi
leurs corps à l'intérieur et à l'extérieur pour se
rendre digne de se trouver en présence des dieux.
L'Ô-haraï (purification rituelle) est un rituel au cours
duquel le prêtre agite une branche de sakaki sacré au dessus de la
tête du fidèle. Celui ci est alors débarrassé de la
pollution qu'il a accumulé et son équilibre interne
restitué lui permet de renouer des relations harmonieuses avec le monde
extérieur.
L'Ô-haraï s'effectue aussi sur des
emplacements de construction ou des objets pour éliminer les esprits
malins qui pourraient s'y trouver.
Un prêtre Shintô porte une branche de sakaki sacré. |
La communion de l'homme avec les Kami: Les croyances et pratiques
shintô sont centrées sur le culte des Kamis, divinités qui
contrôlent presque tous les aspects de la nature et de la vie humaine.
Selon les textes il existerait une infinité de Kamis depuis les esprits
qui animent les éléments du monde physique jusqu'aux dieux et
déesses eux même, en passant par les ancêtres
immédiats de la famille.
La divinité la plus importante est
Amaterasu (celle qui fait resplendir les cieux) Kami du soleil qui est à
la fois chef du panthéon et ancêtre divine de la famille
impériale. Elle est vénérée à
l'Ise-Jinzû.
Triptyque montrant Amatesaru effrayée se réfugiant dans une caverne et plongeant le monde dans l'obscurité. Il fallut avoir recours à un stratagème pour la faire sortir. |
Parmi les principaux Kami on trouve Hachiman, empereur guerrier semi légendaire et les 7 dieux de la chance dont chacun incarne une caractéristique désirable. On ajoute souvent de nouveaux noms à la liste des principaux Kamis, par exemple l'empereur Meiji (1868-1912) sous le règne duquel le Japon passa de l'état de pays arriéré à celui de puissance mondiale et le premier Shôgun Tokugawa (1543-1616). Mais même certains lieux sacrés sont considérés comme Kami dans la mesure où ils sont censés animer les éléments du monde physique. On peut donner comme exemple le Fuji, montagne la plus sacrée du Japon. Ceux qui l'escaladent accomplissent un acte de dévotion. Il en va de même pour ceux qui visitent la cascade de Nachi considérée comme un puissant Kami. Il faut savoir que les Kami ne sont pas tous bienfaisants. Le Shintô reconnaît également l'existence de nombreux démons (Oni) responsables d'une infinité de maux.
Daikokuten, l'un des sept Dieux de la chance du temple Narita-San. |
Il n'existe pas de véritable dichotomie du bien et du mal dans le Shintô. Tous les phénomènes animés ou inanimés sont censés posséder à la fois des caractéristiques bonnes ou mauvaises. Aussi les Onis sont ils des personnages ambivalents. Dans tous les cas on considère les malheurs infligés par les Onis comme la conséquence d'une perturbation momentanée de l'ordre des choses et non comme la manifestation d'une force du mal proprement dite.
Les Onis existent sur terre et dans un enfer souterrain appelé Jigoku. Les Onis ont à la fois des caractéristiques négatives mais aussi positives. |
Les temples et lieux sacrés
Le Shintô étant une tradition très ancienne, les temples reflètent l'évolution de l'histoire et de la technologie du Japon. Au début, les Jinja étaient de simples autels en plein air, souvent taillés à même la roche, sur lesquels on déposait des offrandes. Avec le temps, ces autels furent enfermés dans un espace clos et finirent par ressembler aux entrepôts de céramique de la culture Yayoi. Ces temples furent construit afin de conserver le corps du Kami (Shintaï) ou le Mitama-shino qui est un objet support.
Pélerinage au temple d'Ise-Jingû, le plus sacré des temples du Japon. |
Le temple le plus sacré du Shintô est le Ise-Jingû qui renferme le miroir impérial. Il constitue un exemple de cette phase ancienne de l'architecture Shintô. Le Shintô subit une transformation lorsque le Bouddhisme fut introduit au japon vers la fin du VIème siècle. Non seulement la théologie shintoïste s'adapta à cette foi étrangère et subit également l'influence du Confucianisme et du Taoïsme, mais on commença à construire des temples typiquement chinois, aux couleurs vives et aux ornements élaborés, ce qui marqua une rupture significative avec la simplicité d'Ise.
Les temples modernes vont des minuscules Jinja à de vastes ensembles de sanctuaires comme le Meiji-Jingû de Tokyo et le temple Heïan de Kyoto en passant par des temples de moyenne importance, les Taïsha. Mais la plupart sont situés au milieu d'arbres et de jardins, ce qui reflète l'importance de la nature dans la croyance shintoïste.
Torii en laurier de l'île sanctuaire Itsuku-Shina, couramment nommée Miyajima. |
Pour entrer dans l'enceinte d'un temple, les fidèles franchissent
le Torii (portail) qui représente le seuil séparant le
monde séculier extérieur du monde sacré des dieux. Il est
généralement orné de Goheï, offrandes faites
de bandes de papier arrangées 2 par 2 qui symbolisent la présence
de Kami. La corde sacrée ou Shimenawa, qui peut être tendue sur le
Torri est un autre signe de la sainteté du lieu.
Le temple lui
même se compose généralement de 2 éléments
principaux: le Honden (sanctuaire) qui referme l'effigie du Kami et le
Haïden (oratoire) où les fidèles déposent les
offrandes. Les sanctuaires ne sont pas des lieux de prières au sens
occidental, les fidèles n'y pénètrent jamais. Certains
temples sont très simples ne comportant que le Honden alors que d'autres
sont immenses incluant parfois une arène de Sumô, la lutte
sacrée, ou un théatre de Nô. Le sanctuaire est
délimité par un petit mur.
Les rituels sont
célébrés par des prêtres (kannushi) qui
peuvent être des deux sexes. Leur fonction est héréditaire
et peut se transmettre soit au fils ou à la fille mais également
à l'épouse. Ces prêtres sont simplement des paroissiens
(Ujiko) instruit du rite, élus et rétribués par la
communauté. En dehors des rituels, leur vie est tout à fait
normale sauf pour les prêtres affectés à de grands
sanctuaires qui occupent leurs fonctions à temps plein. Pour devenir
prêtre, un paroissien peut suivre les enseignements d'un autre kannushi
ou recevoir une formation à l'université. Il existe plusieurs
niveaux selon le degré d'instruction suivi comme les Gûji,
prêtres en chef ou encore les Negi, chargés du rituel.
Les formes
On peut distinguer 4 formes fondamentales du Shintoïsme:
Le Shintoïsme populaire (Minkan Shintô), pratiqué dans les villages et dans les foyers. Les phénomènes naturels et les cycles agraires y jouent un rôle prépondérant de même que les lieux, terre, eau, montagne et forêt. Le culte, destiné notamment à chasser les démons et obtenir une terre féconde est pratiqué différemment selon les régions.
Ces petites affiches appelées Uma sont des prières qui sont accrochées sur un mur d'un temple Shintô. |
Le Shintoïsme des sanctuaires (Jinga Shintô) est une religion à l'organisation rigoureuse qui s'imposa pendant l'époque Meiji. 218 sanctuaires nationaux et 110 000 sanctuaires régionaux furent édifiés. Il en existe encore 80 000 aujourd'hui. Il s'agissait alors plus d'une idéologie politique que d'une véritable religion où les prêtres ne recevant qu'une instruction minimale, étaient surtout des agents de propagande du pouvoir. A partir de 1945 se développa un Shintoïsme académique (Fukko Shintô) qui possède une doctrine élaborée et se préoccupe de recherches littéraires.
Le Shintoïsme d'état (Kokka Shintô) était étroitement lié au Shintoïsme impérial (Koshitsu Shintô). Le Tennô, nom donné à l'empereur, était vénéré en tant que descendant de la déesse solaire Amaterasu et des ancêtres impériaux. On mettait l'accent sur la divinité de l'empereur puisqu'il était issu de la lignée directe de la déesse du soleil. Ce Shintoïsme devenait un véritable culte national professant la pureté éthique et la sincérité du cur intègre. Cette forme de Shintô et son application à des doctrines ultra nationalistes et expansionistes, l'empereur étant un dieu, il devait gouverner le monde, conduisit au fanatisme le peuple japonais avec les conséquences que l'on connait lors du second conflit mondial.
Le Shintoïsme sectarien (Shûha Shintô) qui comprend aujourd'hui 13 sectes reconnues et une centaine de sous sectes issues du Shintoïsme populaire depuis le XIXème siècle. Ces sectes, en grande partie ésotériques, furent fondées par des personnages charismatiques durant les temps de crise. Un exemple est le Tenri-Kyô (vérité céleste) qui repose sur le concept Shintô fondamental de Kami et sur la notion que l'univers et tout ce qu'il contient est animé par une hiérarchie de divinités.
Pélerins se rendant au sommet du mont Haguro. |
Shintô et Bouddhisme
Au japon le Bouddhisme coexiste avec le Shintô depuis l'an 593.
Les missionnaires bouddhistes construisirent leurs temples à
proximité des Jinja et proclamèrent que les Kami et les
Bodhisattvas du Bouddhisme Mahâyâna étaient les mêmes
divinités.
Lorsque cette idéologie se précisa, une
forme de Shintô connue sous le nom de Ryôbu-Shintô
(Shintô à double aspect) se développa dans lequel les Kami
et les Bodhisattvas (Bosatsu en japonais) se fondaient en entités
divines uniques aux manifestations différentes.
Hachiman, le dieu de la guerre Shintô est représenté ici sous la forme d'un Botsatsu (prêtre bouddhiste). |
C'est sans doute dans les comportements religieux des japonais que les aspects complémentaires des deux confessions sont les plus apparentes. La plupart des japonais reconnaissent volontiers être à la fois shintoïstes et bouddhistes et n'y voient rien de contradictoire. Par exemple, la grande majorité des japonais se marient conformément aux rites Shintô et sont enterrés selon le rituel bouddhiste. Ils mettent ainsi en relief la perception collective que le Shintô est la religion de la vie et le Bouddhisme celle de la mort. C'est ainsi qu'au cours des siècles s'est développé le culte d'Amida, "le Bouddha sauveur des êtres après leur mort".
Un couple de mariés en costume de cérémonie traditionnel. |
Le Bouddhisme n'est pas le seul système de croyance étranger ayant influencé le Shintô. Le Confucianisme et le Taoïsme inspirèrent également le système du Shintô. L'éthique de Confucius a ainsi fortement aidé à l'édification de l'état japonais. De même le culte des ancêtres a été intégré au Shintô tout comme le dualisme chinois du Yin et du yang. Au cours du temps, le Shintoïsme a ainsi subit de nombreuses modifications, celles ci étant le plus souvent adoptée par les échelons élevés de la société. Le peuple dans son ensemble était beaucoup plus hermétique aux changements. Aussi malgré les influences étrangères, la foi Kami reste intacte pour l'essentiel. Tout indique qu'elle continue à jouer le premier rôle dans la vie spirituelle d'une majorité de japonais, quelles que soient les idées religieuses ou philosophiques qu'ils embrassent par ailleurs.
Cérémonie du feu bouddhiste. Comme le Shintoïsme ne permet pas le contact avec les cadavres, impurs, les services funéraires sont pratiqués par des moines bouddhistes. |
Les paroles
Paroles du Kojiki
"Yamato, tu es la plus belle des campagnes ! Les montagnes s'y succèdent en t'entourant comme des haies de verdure ! Yamato comme tu es beau !"
Proverbes nippons
"On ne peut admirer en même temps le lune, la neige et les
fleurs."
"Les fleurs d'hier sont les rêves d'aujourd'hui."
"Dans les moments difficiles, tourne toi vers les Kamis."
Les fleurs de cerisier, avec celles de prunier, sont un des symboles du Japon. |
Paroles de Michizane
"Lorsque souffle le vent d'est
Répandez votre parfum,
ô fleurs du prunier.
Bien que votre maître soit parti,
N'oubliez pas le printemps."
Paroles du Man'Yôshû
"Quel est le nom du Kami qui, sensible à mes offrandes, pourrait me faire rencontrer mon amour, ne serait ce qu'en rêve ?" Livre XI n° 2418.
"Ne prie pas les Kami, ni ne fait appel au devin afin de rôtir une écaille de tortue ! C'est l'amour qui me tourmente: la douleur pénètre jusque dans mes os, elle a brisé mon coeur." Livre XVI n° 3811.
Glossaire
Amaterasu-ô-mi-kami: Déesse du soleil, ancêtre
divine de la famille impériale. Un des épisodes de la mythologie
Shintô est la colère d'Amaterasu qui suite aux débordements
de Susanoo, se réfugia dans une grotte privant ainsi le monde de
lumière. Elle n'en sortit qu'avec un subterfuge mis au point par tous
les autres kami et put ainsi à nouveau illuminer le monde.
Bosatsu: Mot japonais signifiant Bodhisattva, être résolu
à parvenir à l'illumination selon le chemin bouddhiste de
tradition Mahâyâna.
Goheï: Deux bandes de
papier, dont chacune est déchirée en quatre morceaux, qui
symbolisent la présence de la divinité, le Goheï peut
être en feuille de métal. Lorque plusieurs Goheï sont
présents, cela signifie soit qu'il y a plusieurs Kami dans le
sanctuaire, soit que le Kami a une nature plurale.
Arbre sacré (Shinboku) orné d'un Goheï et d'une Shimenawa. |
Hachiman: Dieu de la guerre Shintô. Esprit de l'empereur
semi légendaire Ojin.
Haïden: Oratoire dans un temple
Shintô où les fidèles déposent des offrandes
d'argent.
Honden: Sanctuaire dans le temple Shintô qui
renferme, soit le corps du Kami (Shintaï), soit son objet support
(Mitama-shiro), et qui ne reçoit pratiquement jamais le visite de
profanes.
Isé-Jingû: Grand temple d'Amaterasu
(sanctuaire intérieur) et de la déesse du riz (sanctuaire
extérieur). Il est représentatif du plus ancien style de
construction (Shinnei). Malgré ses 59 reconstructions très
fidèles au cours des siècles, on peut estimer qu'il est toujours
semblable à l'original.
Santuaire d'Amaterasu à Isé où est conservé le miroir sacré, l'un des symboles de la famille impériale. |
Izumo-Taïsha: Grand temple d'Ô-Kuni-Nushi.
Jingû: Encore nommé Gû, ce sont les sanctuaires
les plus importants comme celui d'Isé. Ils sont consacrés aux
Kami les plus vénérés ou à des empereurs.
Jinja: Temple Shintô de faible importance. Ce sont les plus
nombreux.
Jômon: Période de la préhistoire
du Japon caractérisée par une poterie décorée de
reliefs et d'impression de cordes.
Kami: Divinité
Shintô, Dieu ou esprit. Ils existent en nombre infini et veillent sur les
mortels. Ils doivent être vénérés et
remerciés si leur protection s'est avérée efficace. Reflet
de l'humanité sur le plan supérieur, ils possèdent tous
des qualités et des défauts.
Kojiki: Livre des
choses anciennes, considéré comme la "bible" du Shintô.
Mitama-shiro: Contrairement au Shintaï qui est le corps du
kami, le Mitama-shiro est un objet support, un esprit de substitution. L'esprit
du Kami, descendra dans cet objet pour écouter la prière qu'on
lui adressera.
Makoto: Signifie sincérité
intérieure, c'est un des éléments essentiels du
Shintoïsme. Il est symbolisé par le Kagami ou miroir, un des trois
talismans de souveraineté et désigne la pureté parfaite de
l'âme, de l'esprit sans souillure, de la réflexion de soi sur la
conscience.
Man'Yôshû: Ou anthologie des dix mille
feuilles, ce recueil de 4516 poèmes a été écrit en
760 sur ordre de l'empereur Junnin.
L'empereur Mutsuhito. |
Meiji Tennô: "Gouvernement éclairé". Nom
posthume donné au 122ème empereur du Japon, Mutsuhito
(1852-1912). Il abolit le Shogunat des Tokugawa. Il est le véritable
créateur du Japon moderne.
Michizane: Lettré,
poète et personnage politique du IXème siècle.
Pour l'honorer, on lui consacra des sanctuaires à Kyôto et
à Daizaifu.
Nihongi: Ou Nihon Shoki (chroniques du
Japon) écrites en 720.
Ô-Haraï: C'est la
purification rituelle qui s'applique aussi bien aux personnes pour
rétablir leur équilibre qu'aux choses pour éliminer les
esprits malins.
Oni: A l'origine ce sont les démons de
l'enfer bouddhique. Dans le Shintô, ils sont aussi à l'origine des
malheurs mais étant ambivalents, ils sont également censés
protéger les récoltes.
Sakaki: Branche de pin
sacré utilisé par les prêtres Shintô (Kannushi) lors
des rites de purification.
Shimenawa: Cette corde sacrée
indique la présence d'un Kami dans un sanctuaire, elle est
constituée de paille.
Shintaï: Représentation
physique du Kami conservé dans un sanctuaire. Il peut prendre toutes les
formes possibles comme un miroir à Isé, un sabre, une pierre ou
tout autre objet naturel. Dans de nombreux temples, même les
prêtres ignorent la nature du Shintaï.
Les samouraïs devînrent à partir du XIIIème siècle les vassaux des Shoguns auxquels ils vouaient une obéissance absolue. Leur code d'honneur, très strict, était le Bushido ou voie du guerrier. |
Shôgun: Nom des dictateurs militaires qui
constituèrent au Japon de véritables dynasties du
XVIème au XIXème siècles.
Taïsha: Ce sont des temples d'importance moyenne. Ils forment
la catégorie intermédiaire entre les Jingû et les
Jinja.
Tenri Kyô: Religion basée sur le
Shintô, fondée en 1837 par une femme du nom de Miki Nakayama.
Torii de l'île de Miyajima, lieu sacré où pour atteindre l'île il fallait passer en bateau sous le Torii. |
Torii: Portail qui marque l'entrée de l'espace
sacré du temple. Il est composé de quatre poutres, deux
plantées verticalement dans le sol (Hashura) maintenues
écartées par une entretoise (Nuki) et soutenant une poutre
horizontale (Shimaki). On ignore son origine.
Yamato: Ancien nom
du Japon, période couvrant de 300 à 710 après J.C.
Yayoi: Période protohistorique du Japon
(-IIIème à IIIème siècles)
qui vit l'introduction dans l'archipel de la culture du riz et de l'usage du
fer et du bronze.