Le Confucianisme
Note préliminaire
Il existe plusieurs systèmes de traduction en caractères latins des sons exprimés par les caractères chinois. Le plus répandu en France est celui de l'école française d'extrême orient (EFEO). Dans les pays anglo-saxons, le système de transcription Wade-Giles est le plus usité. La transcription adoptée officiellement par la république de Chine s'appelle le pinyin. Ceci explique pourquoi presque tous les mots chinois ont différentes orthographes possibles suivant le mode de transcription.
La grande muraille de Chine. |
Les origines
Le Confucianisme est un ensemble d'enseignements moraux qui a vu le jour en Chine aux VIème et VIIème siècles avant J.C. Il repose sur des institutions telles que la piété filiale et le culte des ancêtres. C'est le système philosophique qui a été le plus suivi en Chine et il a coexisté pendant des siècles avec le Taoïsme et le Bouddhisme.
Confucius. |
Son fondateur est Confucius (-551,-479). Né à Lu (aujourd'hui Shandong) son nom chinois était Kong Qiu et on l'appelait Kong-fuzi (maître Kong). Sa biographie la plus ancienne, rédigée vers l'an 100, soit près de 400 ans après sa mort, se trouve dans "Les mémoires historiques" de Szu-ma Ts'ien. Cet ouvrage contient des légendes élaborées au cours de siècles. La plupart des éléments concrets proviennent des "Entretiens", compte rendu quelque peu décousu de ses conversations, rassemblées par ses disciples peu de temps après sa mort. Le Zuo Zhuan qui est un commentaire des chroniques de l'état de Lu datant de l'époque de Confucius, renferment d'autres informations.
Idéogrammes à l'intérieur du temple de Qufu, Chine. |
Confucius fit preuve très jeune d'un grand intérêt pour les traditions spirituelles de la Chine. Il exerça les fonctions d'enseignant et de conseiller. Il fut nommé ministre de la justice de Lu, mais tomba en disgrâce. Aussi en 497 avant J.C. il quitta Lu et commença un voyage de 13 ans qui le conduisit dans plusieurs provinces de Chine. Confucius voyagea d'état en état dans l'espoir de trouver un prince ouvert à ses idées, mais ce fut un échec. En 483 avant J.C. il regagna l'état de Lu et se consacra à l'enseignement.
Les textes
L'enseignement de Confucius reposait sur 6 livres: le Yi (mutations), le
Che (les odes), le Chou (les documents historiques), le Li-Ki (les rites), le
Yue (la musique) et le Tch'ouen-Ts'ieou (printemps et automne). 4
d'entre eux furent gratifiés terme Ching (classique): Yi-Ching,
Che-Ching, Chou-Ching, Yue-Ching et les 6 ouvrages furent
connus sous le nom des "6 livres canoniques". Au IIème
siècle le livre de la musique ayant été perdu, on les
rebaptisa les "5 livres canoniques".
Ces 5 classiques ne sont peut
être pas de la main de Confucius, pourtant il leur imprime sa marque en
les interprétant à la lumière des ses propres
conceptions.
Une page d'une édition sur bois du Yi-King. |
1) Le Yi-Ching (Yi-King), livre des mutations. Il s'agit d'un manuel de divination qui provient de la cour des Chou et que les érudits confucéens développèrent par la suite. Il est constitué de 64 hexagrammes, suite de 6 traits, soit brisés ou Yin, soit plein ou Yang qui permet une transcription des mutations du monde. Les calculs auxquels on se livrait pour déchiffrer les hexagrammes ont stimulé le développement des mathématiques et de la science.
Le Yin et le Yang avec les huit trigrammes. Chaque trigramme renvoie à une qualité particulière et peut être corrélé à un certain nombre d'éléments comme une direction ou un animal. Ils sont utilisés dans la technique divinatoire du Yi-King. |
2) Le Che-Ching renferme 305 chants parmi lesquels les hymnes de
la dynastie que l'on chantait à la cour des Chou, et des chants
folkloriques provenant de différentes régions de l'empire
Chou. Cet ouvrage est divisé en 3 parties:
- Les Guo
Feng qui sont des poésies populaires.
- Les Ya qui sont
des poésies de cour.
- Les Song qui sont des hymnes religieux
qui chantent la louange des premiers rois.
3) Le Chou Ching
(Chou King) est le livre des documents historiques. C'est l'ouvrage le plus
ancien et le plus important pour la connaissance des traditions du peuple
chinois. Il contient nombre de discours, de décrets et d'exhortations
prononcés par les souverains. L'ouvrage est divisé en 4
parties.
- Le Yu Chou, livre de Yu qui traite des 3 anciens rois
Yao, Shun et Yu (2357 à 2206 avant J.C.)
- Le Hia Chou, livre
de Hia qui parle de Yu et des princes de la première dynastie (2205-1767
avant J.C.)
- Le Shang Chou, livre de Shang qui expose les
événements de la deuxième dynastie
(XVIIIème-XIème siècles avant
J.C.)
- Le Zhou Chou qui contient des documents relatifs à la
troisième dynastie (XIème-IVème
siècles avant J.C.) dont le Lu Hing, sorte de code pénal.
4) Le Li-Ki qui contient des textes du début de la dynastie
des Chou. Cet ouvrage, devenu un classique, insiste sur l'importance des
rituels, tout en les actualisant. Il était fréquent au
début de la dynastie des Chou que lorsqu'un dirigeant mourait, ses
dignitaires et ses concubines soient tués et enterrés avec lui,
pour que leur esprit l'accompagne après la mort. Cette pratique fut
abandonnée, mais on avait coutume d'ensevelir les objets précieux
en même temps que leur propriétaire. Le "livre des rites" souligne
le fait que de tels objets ne peuvent servir aux morts et conseille de les
remplacer par de grossières copies.
5) Le
Tch'ouen-Ts'ieou est une chronique quotidienne, mensuelle et
saisonnière de l'état de Lu. Les passages qui existent encore
couvrent les années 722 à 481 avant J.C.
L'enseignement
L'éthique de Confucius, développée plus tard par
Mencius, part du principe que l'homme est bon par nature et que tout le
mal n'est engendré que par un manque de discernement. Le Confucianisme
fixe pour but l'amour de la vérité, la bonté, la
générosité. Il préconise d'entretenir de bonnes
relations familiales et élève les formules de courtoisie au rang
d'obligation. L'homme doit prendre en considération l'ensemble des
éléments et leur interdépendances, il ne doit jamais
perdre de vue l'intérêt supérieur de la collectivité
et de l'état.
Le Confucianisme exprime une vertu suprême dont
découle toutes les autres, Ren (l'humanité) que l'on
traduit par bienveillance ou bonté. Ren est décrit comme la somme
de toutes les vertus car Confucius a dit un jour que les qualités telles
que l'endurance, le courage, la simplicité et la prudence se rapprochent
toutes de Ren. Ren s'exprime par "aime ton prochain".
Confucius attachait
également de l'importance à Yi (la droiture) qui
consistait à faire ce qui est juste d'un point de vue moral, et
approprié en tenant compte des cinq relations sur lesquelles reposait la
société:
- Souverain et sujet.
- Père et fils.
- Mari et femme.
- Frère aîné et frère
cadet.
- Ami et ami.
Illustration de la piété filiale. Les sujets rendent hommage à leur roi, comme un enfant le ferait envers ses parents. |
Alors que Ren correspond à la bonté chez un gentilhomme, Yi est sa manifestation extérieure, grâce à laquelle on peut juger de son caractère. Les rites (Li) avaient de l'importance parce qu'ils provenaient de l'âge d'or. Les pratiques tel que le culte des ancêtres, les rites mortuaires et les cérémonies sacrificielles servaient à consolider les 5 relations traditionnelles entre les gens. Les rites étaient aussi une façon de plaire au ciel, aux divinités et aux ancêtres ou des les influencer.
Ici le portrait de Mao Tsé-Tung orne un autel familial consacré entre autre aux dirigeants du monde. |
Le Confucianisme développa cette très haute éthique sans se réclamer de commandements ou de révélations d'origine divine. C'est pourquoi il lui a souvent été reproché, sur un plan religieux, de développer une éthique autonome, sans fondement métaphysique. Confucius s'interdisait toute spéculation sur les choses transcendantales et se référait au principe supérieur de T'ien (le ciel) qui disait que le ciel décidait en dernier recours des destinées de toutes les créatures de l'univers, et que toutes les institutions humaines étaient fondées en son nom. Le défi que l'individu avait à relever consistait à déchiffrer les voies du ciel.
Le temple du ciel à Pékin, rappelle les sacrifices offerts par les empereurs au ciel. |
Le Confucianisme n'imposant pas comme un dogme une conception d'un dieu ou d'une nature divine, beaucoup ne le reconnaisse pas comme une religion, mais plutôt comme une philosophie officielle ou une éthique. Néanmoins, par les cultes et les rites et par la vénération portée à Confucius, il est devenu en Chine une forme de religion.
Les écoles
L'école philosophique fondée par Confucius se nomme
l'école Jou. Ce terme a fini par signifier moralistes ou érudits.
Au cours des deux siècles et demi qui suivirent la mort de Confucius,
ses idées furent embellies et complétées par deux
philosophes de l'école Jou, Mencius et Siun-Tseu qui vécurent
respectivement aux IVème et IIIème
siècles avant J.C.
Ils enseignaient tous deux la morale de Confucius
et aspiraient à des réformes politiques, affirmant que le
souverain qui suivrait le modèle confucéen deviendrait le grand
dirigeant de la Chine.
Mencius était originaire de l'état de Lu et il parcourut un certain nombre de provinces. Il fut connu pour sa théorie de la nature humaine. Il enseignait que le genre humain est fondamentalement bon et que nous pouvons découvrir la source de la moralité dans notre propre cur. Il critique deux principaux opposant du Confucianisme, Mo-Tseu qui prônait le principe d'amour universel et Yang Zhu qui prônait le principe du chacun pour soi.
Siun-Tseu qui naquit à peu près à
l'époque où Mencius mourut pensait le contraire. "La nature de
l'homme est mauvaise; la courtoisie ne peut exister et l'ordre ne peut
être maintenu que lorsque les hommes sont influencés par des
enseignants et des lois, et guidés par les rites et la
moralité".
Mencius et Siun-Tseu soulignèrent tous deux
l'importance de l'éducation, comme Confucius l'avait fait avant eux.
Les trois guides spirituels de la tradition religieuse chinoise. Au centre Confucius, à droite Lao-Tseu et à gauche Bouddha. |
Une longue période de discorde suivit le chute de la dynastie han
en 220. A cette époque et sous les dynasties Sui et T'ang (581-907) le
Bouddhisme et le Taoïsme attirèrent une foule de fidèles
issus du peuple et bénéficièrent d'une importante
protection impériale. Aussi le Confucianisme perdit-il de son
importance. Il ne retrouva son statut populaire qu'en 960 sous la dynastie des
Sung (960-1279) car ceux ci incorporèrent des éléments
essentiels du Bouddhisme et du taoïsme à leur théories. Ce
mouvement qui domine la pensée chinoise jusqu'aux temps modernes prit le
nom de néoconfucianisme. Celui-ci est connu sous le nom
d'école de Li, Li signifiant ici principe ou raison.
Le plus
grand philosophe néoconfucéen, Chu Hsi (1130-1200)
exprimait le fait que le Li de l'univers est un principe qui embrasse tout.
Appelé Tai Ch'i (ultime suprême) il est la somme du Li du
ciel, de la terre et de toutes choses. Toutefois le Li seul ne suffit pas
à expliquer l'univers, parce que le Li est "au dessus des formes" c'est
à dire abstrait. Chu Hsi introduisit un autre principe, le Ch'i
pour expliquer ce qui est dans les formes le monde matériel. Un type de
Ch'i a reçu le principe de mouvement, c'est le Yang, l'autre a
reçu le principe de passivité, c'est le Yin. L'interaction
entre le Yin et le Yang produit les cinq éléments, métal,
bois, eau, feu, terre à partir desquels sont formés toutes
choses. Les quatre livres classiques du néoconfucianisme sont "les
Entretiens", "le livre de Mencius", "le juste milieu" et "la grande
étude". Les deux derniers étant des chapitres de l'ancien "livre
des rites".
L'empereur K'ang-Hsi (1662-1723) protecteur de l'enseignement néoconfucéen. |
Les paroles
Extraits des Entretiens
"Les jeunes doivent être
respectés."
"N'est il pas agréable de recevoir la visite d'amis
venus de loin."
" Si tu ne consacres pas une pensée au futur
éloigné, tu seras en difficulté lorsqu'il sera
proche."
"Apprendre sans penser est une grave erreur, mais penser sans
apprendre est tout aussi néfaste."
"Lorsque trois personnes marchent ensemble, il y en a
nécessairement une qui a quelque chose à m'apprendre."
"Celui qui s'impatiente pour des vétilles comettra des
erreurs dans ses entreprises importantes."
"Régnez grâce au pouvoir de l'exemple moral."
"Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l'on te
fit."
Les sons
Paroles de Confucius
Glossaire
Che-Ching: Livre des odes, l'un des 5 livres canoniques.
Ch'i: principe qui explique l'univers physique, matière dont sont
faites toutes choses.
Chou: Nom d'un état et de la dynastie vers (1027-256 avant
J.C.) sous laquelle vivait Confucius.
Chou-Ching: Livre des
documents historiques, l'un des 5 livres canoniques.
Chu Hsi:
Philosophe du XIIème siècle qui élabora le
système philosophique connu sous le nom de néoconfucianisme.
Han: Nom de la puissante dynastie (202 avant J.C., 220 après
J.C.) sous laquelle le Confucianisme fut élevé au rang de culte
officiel.
Jou: Ecole philosophique fondée par
Confucius.
Kong-Fuzi: Maître Kong, Confucius.
Temple Confucianiste de Changhua, Thaïlande. |
Li: Rituel, cérémonie.
Li: Raison,
principe, comme dans les principes qui préexistent au monde et à
tous les objets qu'il renferme.
Li-Ki: Livre des rites, l'un
des livres canoniques.
Lu: Etat chinois dont est originaire
Confucius.
Mencius: Philosophe Jou de premier plan du
IVème siècle avant J.C.
Mo-Tseu:
Opposant au Confucianisme qui prônait le principe d'amour universel.
Néoconfucianisme: Renouveau confucianiste sous la dynastie
des Sung (960-1279) qui a adopté des éléments du
Taoïsme et du Bouddhisme.
Ren: Bonté,
magnanimité, vertu suprême d'un gentilhomme.
Siun-Tseu: Philosophe Jou de premier plan du IIIème
siècle avant J.C.
Sui: Dynastie chinoise (581-618) sous
laquelle le Confucianisme fut en défaveur.
Sung: Nom
d'un état, dynastie (960-1279) sous laquelle le Confucianisme retrouve
sa popularité.
Szu-ma-Ts'ieu: Historien du
IIème siècle avant J.C. sous la dynastie des Han,
auteur des mémoires historiques.
T'ai Ch'i: Li de
l'univers qui englobe tout, l'ultime et suprême principe des
néoconfucianistes.
T'ang: Dynastie chinoise (618
à 907) sous laquelle le confucianisme fut en défaveur.
Tch'ouen-Ts'ieou: L'un des 5 livres canoniques.
T'ien:
Le ciel. On pensait que les empereurs étaient mandatés par le
ciel.
Le dragon, symbole sacré du pouvoir impérial que les empereurs pensaient détenir du ciel. |
Yang: Principe (Ch'i) de lumière, de masculinité et de mouvement, contraire de Yin.
Graphisme de la mutation du Yijing ancienne forme du signe Yi. |
Yang Zhu: Personnage mystérieux de dates inconnues,
philosophe prônant le chacun pour soi.
Yi: Droiture,
honneur, loyauté. Manifestation extérieure des qualités
d'un gentilhomme.
Yi-Ching: Livre des mutations, l'un des 5
livres canoniques.
Yin: Principe (Ch'i) d'obscurité, de
féminité de passivité, contraire du Yang.
Yue-Ching: Livre de la musique ayant totalement disparu au IIème
siècle.
Zhongyong: (L'invariable milieu). Il représente l'équilibre intérieur
de l'âme dans lequel sentiments et émotions s'harmonisent.
Zuo Zhuan: Commentaire
des chroniques de l'état de Lu, province de naissance de Confucius.
Tombe des descendants de Confucius dans la forêt du grand sage, Qufu. |